Dentistes de rue en Inde /// Street dentists in India
Dentistes de rue en Inde : espèce en voie d’extinction ?
Street dentists in India : endangered species ?
120.000 praticiens installés entre quatre murs, 23.690 de plus rien que pour l’année 2010 (selon les statistiques du ministère de la santé), chiffres faramineux à l’échelle du pays - continent qu’est l’Inde, et malgré tout un taux de dentiste par personnes bien inférieur aux pays occidentaux (mais loin, très loin devant la majorité des pays africains). Dans ces conditions le dentiste de rue à encore toute sa place et sa carte à jouer aujourd’hui dans le paysage urbain et rural, il a encore de belles années devant lui. Cette activité de rue, généralement héréditaire, charrie des compétents ou incompétents sincères, des praticiens aussi méticuleux qu’un horloger suisse ou des charlatans cyniques et purement crapuleux. Petite enquête.
120.000 dentists practicing their skill within four walls, 23.690 more just for the year 2010 (following the Health Ministry statistics), colossal numbers although at the scale of the country – continent that is India, and yet a lower rate of dentist per inhabitants than most of the western countries (but far more than most of african countries). In these conditions the street dentist still has its place and a card to play nowadays in the urban and rural world, and still have some bright years ahead of him. This street activity, usually hereditary, carries along sincere competent people or incompetent ones, practitioners as meticulous as a swiss watchmaker, or some cynical and purely villainous quacks. Needed a small investigation.
Durga Singh & fils de Pathankot
Durga Singh & son from Pathankot
Situé sur un poussiéreux trottoir de la ville de Pathankot, grosse ville de garnison du nord Penjab, le « cabinet dentaire» ambulant du sédentaire Durga Singh, sikh de 60 ans, a fière allure, toutefois comme dirait Albert Einstein : « Tout est relatif !».
Notre bonhomme Durga, bon pied bon œil, pratique l’art du dentiste tout comme Obama pratique l’agriculture : avec un certain amateurisme. Il a appris cet art de son père, puis l’a transmit à son fils qui l’accompagne dans ces longues journées de travail sur le trottoir de la rue de la gare, au milieu du dense trafic automobile et piéton. Ils proposent à l’humble population un des multiples services qu’offre la rue indienne : vendeurs de vêtements, d’herbes médicinales, réparateur de roue de vélo, tatoueurs, vendeurs de bijoux et bracelets, barbiers-coiffeurs, pèse-personne etc etc ….
Posé le long d’un mur sur un étal de bois recouvert d’un tissu rouge, son attirail de parfait « dentiste de rue » est bien agencé. Il ne manque rien pour restaurer une bouche en sale état : multiples pinces et crochets, bouts de mâchoires, dents synthétiques, câbles métalliques, différentes limes d’acier, divers flacons d’antiseptiques et de colles, coton, tout est là pour un travail dentaire aléatoire mais pas cher. Vous en aurez pour votre argent !
Durga sourit, le business est florissant, il a même de la concurrence, un confrère est installé à deux pas de son cabinet précaire. Certes, en Inde, pour être dentiste selon nos normes occidentales il faut cinq années d’études (4 ans d’école + 1 an d’internat) plus trois années pour une éventuelle spécialisation. La première école dentaire d’Asie a ouvert ses portes à Calcutta en 1924 et aujourd’hui l’Inde est pourvue de 291 établissements (39 d’état et 252 du secteur privé). Le pays héberge donc d’excellents dentistes qui pour la plupart exercent en milieu urbain (environ 90 % des dentistes pour 30 % de la population), ou alors s’expatrient principalement en terre anglophone, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, USA ou Angleterre principalement. Depuis peu le pays développe de même un tourisme de santé dentaire et accueille de plus en plus une clientèle occidentale exigeant une qualité irréprochable de soins.
Mais Durga sourit, il sait plus que quiconque qu’une large frange de la population ne pourra jamais se permettre de payer les soins d’un cabinet conventionnel, et même si toute la population pouvait se le permettre il n’y aurait encore pas assez de praticiens : le ratio étant de 1 praticien pour 15.000 habitants.
Dans ces conditions des centaines de milliers de praticiens de la santé, n’ayant aucune formation, offrent leurs prestations aléatoires principalement dans les bidonvilles et dans les campagnes. L’état indien leur fait la guerre, et tente vainement (manque de volonté politique) de les prendre en main afin de leur donner un minimum de connaissances, sachant très bien que de très nombreux indiens ne peuvent pas se permettre de payer les frais inhérents aux soins en cabinet ou en clinique.
Durga et son fils égayeront leur visage de ce large sourire pendant encore quelque temps, ils ont encore de belles années devant eux à pratiquer le soin dentaire, avec ou sans évanouissement, selon la résistance du patient. Beaucoup de clients semblent néanmoins apprécier ces soins de rue. Selon eux les avantages sont de ne pas avoir à prendre de rendez-vous, pas d’attente, soins peu onéreux (de 50 à 100 roupies, 1 à 2 Euros pour la plupart des soins), service après vente prompt et de qualité.
Located on the dusty sidewalk of the city of Pathankot, big garrison town in the northern Penjab, the mobile « dental surgery » of Mister Durga Singh, 60 years old sikh, looks great, even thought as Albert Einstein would say : « It’s all relative !».
Our man Durga, fit as a fiddle, practises his dental art just as Obama practises farming : with a certain amateurishness. He learnt his art from his father, then passed it on to his son who works with him all through these long days on the sidewalk of the train station avenue, in the midst of the dense traffic flows of cars and pedestrians. They offer to the humble population one of these multiples street services : clothings, herbal medecines, bangles and cheap jewellery, barber and hairdresser, rental weighing scale …
Set along a wall on a wooden stall covered with a red cloth, his perfect « street dentist » gear is well laid out. Everything is there to restore any damaged mouth : many different pliers and hooks, peaces of jaws, synthetic teeth, metallic wires, wide range of metallic files, various bottles of antiseptics and glues, cotton, everything is there for an unpredictable dental works, cheap though. You’ll get your money’s worth !
Durga is smiling, business is flourishing, there is even some competition, a fellow member of his profession is working a few steps from his precarious « dental surgery ».
Of course, in India, to be a proper dentist following the highest standards, you need five years of studies (4 years at school + 1 year of internship), then an other extra three for an eventual specialisation. The first proper dental school started in Calcutta in 1924, and today India has on its territory 291 dental schools (39 public ones + 252 private ones). Therefore the country has excellent dentists who mainly practice in urban areas (about 90 % of all the dentists for 30 % of the global population), or choose to expatriate in english-speaking countries like England, USA, New Zealand, Canada or Australia mainly. Not long ago India started also a new tourism business : the dental surgery tourism business, aiming the westerners demanding an impeccable quality of dental cares.
Mister Durga smiles, he better knows than anyone that a large population won’t ever be able to afford the fares that charges a conventional dental surgery, and he knows too that even if everyone could afford, it would still not have enough practitioners, the ratio being 1 proper practitioner for 15.000 inhabitants.
In these conditions, thousands of health care practitioners (dentist and doctors), having no training, offers their unpredictable services mainly in slums and countryside places. The state of India wages war against them, and attempt in vain (lack of political will) to take charge of them in order to give them a minimum of knowledge, knowing well that many indians just can’t afford to pay the price for a dental care in a conventional dental surgery.
Durga and his son will still keep this smiling face for a long while, they still have some thriving years ahead of them practicing their skill, with or without blackout, according to the patient’s resistance. Many clients, though, seem to appreciate these streets cares. Following their sayings, the advantages are : no waiting, no need appointment, cheap fares (from 50 to 100 rupees, 1 or 2 €, most of the treatments), quick and quality after sales service.
Cabinet dentaire voisin de celui de Durga Singh, Pathankot.
Neighbouring dental surgery of Durga Singh in Pathankot.
Surjeet & Jaswinder Singh d'Amritsar
Surjeet & Jaswinder Singh from Amritsar
A Amritsar j’ai pu rencontrer un autre père et fils pratiquant aussi leur art dans la rue, juste à la sortie d’un temple, bien pratique d’avoir Dieu près de soi pour nous passer une pince, du coton, ou mettre en confiance le carié récalcitrant. Surjeet, le père, a lui aussi appris les ficelles du métier avec son père, et les a transmise à son fils, Jaswinder. Les conditions d’hygiène laborieuses du couple père – fils de Pathankot sont les mêmes ici : aucune stérilisation, pas de gant, pas de désinfection des mains entre deux patients, de la poussière jusque dans la dent creuse (imaginons la même activité en période de mousson !!!!), pas d’anesthésie, parfois un recyclage de dents arrachées (néanmoins ils utilisent aujourd’hui principalement des dents synthétiques), une cohorte de curieux entourant le patient, et quelques mouches allant de pinces en limes, de doigts en bouche.
Et ce couple de praticiens sikhs a quelque chose d’unique : grâce à un module d’étude supplémentaire à l’école de la vie, ils pratiquent le tatouage de rue !!! Incredible India !!!
Sans compter que à l’instar de Durga Singh et de nombreux autres dentistes de rue bien installés, ils réparent aussi les lunettes. Spécialistes de l’improbable !!
In Amritsar I also met another father and son’s street « dental surgery ». They too practice their skill on a dirty sidewalk, right at the exit of a temple : always handy to have God at hand to pass on a plier, some cotton, or put the recalcitrant decayed at ease.
Surjeet, the father, got his knowledge from his father and passed it on to his son, Jaswinder. The hazardous hygienical conditions from the Pathankot team are the same here : no sterelization , no gloves, no hand cleansing, dust even in the hollow teeth (just imagine the terrible hygienical conditions it must be during the monsoon !!!), no anaesthesia, sometimes a recycling of tooth even if they usually use synthetic teeth nowadays, a crowd of people staring at the patient, and flies going from pliers to files, from fingers to mouth.
And this couple of sikhs practitioners have something special : thanks to an extra course at the school of life, they practice the tattoo as well !!! Incredible India !!!
And not only that, but, just like most of the others street dentists they also fix glasses. Specialists of inexpected !!
Jaswinder Singh, dentiste et tatoueur, et accessoirement réparateur de lunettes.
Jaswinder Singh, dentist, tattooist, and eventually fixing glasses.
Mahender Singh, dentiste de foire.
Mahender Singh, big fair dentist.
Beneshwar mela, sud Rajasthan.
Beneshwar mela, south Rajasthan.
Autre lieu, autre Singh. Ce patronyme indien (ou plus exactement ce titre) signifiant « lion » s’attache à deux communautés en particulier : celle des kshatriyas hindous (caste des nobles et des guerriers) ainsi qu’à celle des sikhs (dévots du sikhisme, religion initiée au début du XVIème siècle par le gourou Nânak) dont le plus grand nombre constitue la population du Penjab, état indien au nord-ouest de Delhi, à la frontière du Pakistan. Bizarrement et comme j’ai pu l’observer dans beaucoup d’autres cas, les trois exemples présentés ici sont des éléments de la communauté sikh.
Retour à notre troisième mouton, Mahender Singh fils de Jeet Singh. A l’inverse de ses coreligionnaires sus-cités, celui-ci est un dentiste nomade se déplaçant en famille d’une fête à l’autre, migrants de l’intérieur, lui, sa femme et leurs trois enfants accrochés à une seule moto. Il est loin d’être le seul migrant et lors de cette grosse fête religieuse qui dure cinq jours, un concurrent s’est installé dans le précaire deux pas plus loin.
Disposés devant lui dans la poussière d’un tissu rouge, ses quelques instruments reflètent la misère de ce praticien qui a fait de l’arrachage de dents sa spécialité. Son fils s’exerce à la gestuelle parfaite dans la bouche de Mahender, la relève est assurée et le pèlerin en douleur aura encore pendant quelques décennies le bras de Dieu sur terre pour « alléger » sa peine. Misère, misère …. Qu’est-ce qui est pire du mal ou du remède ?
Other place, other Singh. This indian patronimic (« title » would be sharper) meaning « lion » is linked to two different communities : the hindus kshatryas (cast of nobles and warriors) as well as the sikhs (devouts of sikhism, religion initiated by Guru Nanak at the start of the 16th century) living mainly in Penjab, indian state north-west of Delhi, borded with Pakistan. Strangely, and as far as I could observe in many other cases, the three examples shown here are members of the sikhs community.
Now let’s get back to the subject, Mahender Singh, son of Jeet Singh.
Contrary to his colleagues cited previously, this one is a nomadic dentist, moving from place to place with his family, indoors migrants, him, his wife and their three kids on one motorbike. He is not the only one migrant and during these five days big holy festival another nomadic dentist was settled a few steps away.
Arranged before him in the dust of a red cloth, his few tools reflect his misery, and pulling out teeth is his speciality. His son practices the perfect movement on his father’s mouth, pilgrims will still have for a while God’s hand to relief their tooth pains. Misery, misery … what is worse, the pain or the remedy ?
Autre stand de dentiste, voisin de celui de Mahender Singh.
Neighbouring dental surgery of Mahender Singh's one.
Voila ce petit tour de la question arrive a sa fin. Souhaitons que l’état indien intervienne selon son désir actuel et forme un minimum aux exigences de l’hygiène ces dentistes de rue qui ont encore un rôle à jouer face à la multitude toujours croissante, face au manque évident de dentistes formés en institut, et aussi face au coût des soins conventionnels encore bien trop exorbitant pour le petit peuple indien. Hare Om !!
There, this tour of the matter comes to the end. Let’s hope that the indian governement will step in as they seem to be willing to, and provide these street practitioners a basic training, so they could keep their earnings as well as they would do a safe and clean job to this population in constant growth. Stepping in also seems to be necessary to face this lack of proper dentists, and also due to the high cost of the fares in a conventional dental surgery that many indian just can’t afford.
!! Hare Om !!
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